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Ultimatum

Ultimatum, c’est la volonté de concevoir de manière intuitive et empirique mon travail de création. De composer avec la fragilité et la puissance des êtres mis à nu sur le plateau, de travailler sur le « corps danseur » des acteurs et enfin d’assumer la part autobiographique de ce travail.

Ultimatum, c’est une réflexion sur « la tragédie d’exister » à travers la figure du poète Fernando Pessoa et plus précisément de l’un de ses hétéronymes, Alvaro de Campos : poète sensationniste, au style fébrile et puissant, auteur de l’Ode triomphale et de Bureau de Tabac. Ce qu’il faut dire de Pessoa, c’est ce qu’il dit de Shakespeare : “il était trop grand pour lui-même ; il avait trop d’âme pour trop peu de moi”.

J’ai choisi au cours de ce spectacle composé d’une dizaine de tableaux, de mettre en relation l’écriture de Pessoa avec celle de Patrick Kermann et celle de David Wojnarowicz, avec l’intuition que la puissance d’écriture pour définir les désordres intimes de ces trois auteurs pouvaient composer une fascinante partition.

On a allumé les lumières, la nuit tombe, la vie se métamorphose,
N’importe comment, il faut continuer à vivre.
Mon âme brûle comme si c’était une main, physiquement.
Je me cogne à tous les passants sur le chemin.[…]
Je ne sais pas sentir, je ne sais pas être humain,
vivre en bonne intelligence au sein de mon âme triste avec les hommes mes frères sur la terre.
Je ne sais pas être utile fût-ce dans mes sensations, être pratique, être quotidien, net,
avoir un poste dans la vie, avoir un destin parmi les hommes,
avoir une œuvre, une force, une envie, un jardin, une raison de me reposer,
un besoin de me distraire, une chose qui me vienne directement de la nature.
Pour cette raison sois-moi maternelle, ô nuit tranquille…
Toi qui ravis le monde au monde, toi qui es la paix, viens à moi,
ô nuit, tends-moi les mains, et sur mon front,
ô nuit, sois fraîcheur et soulagement.

Alvaro De Campos (Fernando Pessoa) / Passage des heures / traduction d’Armand Guibert